Assemblage n°2 / IS 011.13

2002/ adhésif
Serres du Jardin du Thabor - Rennes

Assemblage n°2 est une installation composée de 13 dessins autocollants, appliqués sur les vitres des serres du jardin du Thabor, Rennes. Il s'agit ici d'une collection de formes (ayant pour base la grille), superposées, croisées, déclinées et réparties, de façon à réorganiser et matérialiser le vide de ces espaces vitrés, jeu de profondeur/transparence/couleur/matière/forme. Ce travail in-situ tient compte des caractéristiques de cet espace d'intervention (données historiques, pratiques, et architecturales), il s'agit d'une inscription dans le lieu, en adhésion ou complémentarité, modifiant ainsi notre rapport à celui-ci. Les répartitions et répétitions formelles nous entraînent ainsi vers une fragmentation de l'espace, afin d'en multiplier les points de vue. L'œil se trouve alors largement sollicité, en surface comme en profondeur, circulant entre intérieur et extérieur, la vitrine devenant un espace de projection à la fois visuel et mental.

Aller-retour.

C'est un lourd héritage que celui de la grille, qu'elle se fonde sur le carré ou sur tout autre figure orthogonale. On aurait pu penser que tout avait été dit, ou peint, à ce sujet depuis Mondrian et les applications sociales de Van Doesburg et De Stijl qui, tous, et ceux qui les suivirent, ont cherché à s'inscrire dans l'absolu et dans l'éternité. C'est l'éphémère et la porosité au contexte, dans la légèreté amusée, qu'œuvre Eric Gouret et, ce faisant, il confère à la grille et aux modules orthogonaux une surprenante actualité. Quand on l'interroge sur sa parenté artistique, il cite Mondrian, Aurélie Nemours, Donald Judd, Daniel Buren, Krijn De Kooning ou encore Christophe Cuzin, mais aussi les nouveaux muralistes que sont Stéphane Daflon, Stéphane Calais ou Francis Baudevin ; en somme une galaxie à la fois cohérente et très ouverte, à laquelle on ne peut s'empêcher d'ajouter François Morellet.

Car ce qui, plus que tout, structure le travail d'Eric Gouret, c'est bien un certain type de rapport à l'architecture, fondé sur la grille comme nous l'avons dit, mais aussi sur l'échantillonnage des couleurs, une forme de nuancier qui se diluerait dans l'expansion spatiale, comme on a pu récemment le voir dans son intervention au lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire. Il n'a de cesse, en effet, d'alléger son module de base, le carré, pour en faire, une fois inscrit dans l'architecture ou le paysage, un facteur atmosphérique, entre les vertus de la décoration et celles de l'expérience du lieu à vivre. Les matériaux qu'il utilise, le plus souvent aujourd'hui, le ruban adhésif ou la peinture à la bombe quand il s'agit de surfaces vitrées, la chaux sur les sols extérieurs, participent de cette légèreté et cette fragilité revendiquées.

Son intervention sur les vitres des serres du jardin du Thabor à Rennes constitue un parfait exemple de la forme que peut prendre le travail d'Éric Gouret tel que nous venons d'en décrire quelques-uns des éléments. Sous le titre Assemblage n°2, il réalise treize dessins autocollants, inscrits dans les cadres des fenêtres. Le motif de la grille ajourée, disposée différemment à chaque fois, structure le plan des ouvertures sans en obstruer la transparence. L'alternance du rouge et du blanc, le cerne noir, évoquent tout à la fois le plomb des vitraux, le tracé des parterres et la rigueur avisée de Buren ; mais par-dessus tout, cela joue avec l'architecture comme avec le rapport du dedans et du dehors. Et ce jeu consiste en une présence rigoureuse mais antiautoritaire d'une stricte organisation du plan articulée à subtile tension entre la fragilité du matériau, appelé à disparaître, et le sentiment que cela a toujours été là. Et l'on se trouve alors au cœur de cette manière qui, nourrie essentiellement du dessin, invente des formes très légères, conceptuellement fortes, mais à la limite de l'immatériel, résolument abstraites, et qu'il confronte avec le réel avant de les en extraire afin de réaliser des objets autonomes, rappel en petit format de ceux qu'il donne à voir dans l'espace public. C'est ainsi un aller-retour de la forme et de la couleur, de l'abstraction, vers le contexte puis du contexte vers sa trace objectale.

Jean-Marc Huitorel